Certains arguments purement juridiques constituent une arme redoutable ; tel est le cas de la péremption d’instance …
La péremption d’instance constitue en effet une fin de non-recevoir permettant de voir déclarer les prétentions du salarié irrecevables dès lors qu’après avoir introduit une instance, celui-ci n’accomplit aucune diligence pendant 2 ans.
Cette règle résulte de l’article 386 du Code de Procédure Civile qui dispose que « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ».
Cependant – protection du salarié oblige- la péremption d’instance en matière prud’homale obéit à des conditions renforcées édictées à L’article R 1452-8 du Code du Travail.
Ce texte dispose en effet qu’« En matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du Code de Procédure Civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Autrement dit, 2 conditions cumulatives sont seules susceptibles de faire courir le délai de péremption:
– des diligences expresses,
– mises à la charge du salarié par la juridiction (à distinguer du greffe)
Ainsi, en matière prud’homale, traditionnellement la péremption ne jouait pas devant le Conseil de Prud’hommes.
Ainsi jugé concernant :
– le calendrier de procédure fixé aux parties par le bureau de conciliation y compris lorsqu’il résulte d’un procès-verbal de conciliation ;
Cass. soc., 29 sept. 2010, no 09-40.741,
– les mesures de radiation (y compris devant la Cour) qui certes émanent bien de la juridiction elle-même mais qui n’ont généralement pour conséquence que le retrait de l’affaire du rang des affaires en cours (sans diligences expresses mises à la charge des parties);
Cass. soc., 28 oct. 1998, no 96-44.066,
– De même concernant les décisions de retrait du rôle qui imposent seulement aux parties la réinscription de l’affaire.
Cass. soc., 21 déc. 2006, no 05-42.865,
A noter que le danger de la péremption n’était cependant pas écarté devant la Cour d’Appel.
La Cour de cassation a en effet jugé que les ordonnances du magistrat chargé de la mise en état (qui mettent à la charge des parties des diligences et émanent bien de la juridiction) font courir le délai de péremption à compter de la notification de la décision.
Cass. soc., 27 mars 2007, no 05-43.459
L’intérêt de l’espèce analysée réside dans le fait qu’un salarié s’est vu notifier le 14 juin 2006 une Ordonnance de radiation prononcée par le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes de TOULOUSE.
Or, le bureau de jugement (faisant preuve de « zèle » par rapport à d’autres Conseils) subordonne expressément le rétablissement de l’affaire au rôle « à la remise à la partie adverse des pièces, moyens ou notes qu’il comptait produire à l’appui de ses prétentions et au dépôt au greffe d’un exemplaire de ses conclusions ».
Le salarié fait parvenir au greffe ses conclusions le 16 juin 2008 (dernier jour du délai au regard des règles de computation) mais n’accomplit pas les diligences mises à sa charge par la juridiction concernant la remise des pièces et moyens auprès de la partie adverse.
La Cour d’Appel déclare périmée l’instance prud’homale engagée par celui-ci, position que valide la Cour de cassation.
La haute juridiction souligne que la Cour d’Appel ayant constaté que le demandeur n’avait accompli qu’une seule des deux diligences qui avaient été mises à sa charge par l’ordonnance de radiation, dans le délai de deux ans suivant la notification de cette Ordonnance, a fait une exacte application de l’article R. 1452-8 du Code du Travail en déclarant l’instance éteinte par l’effet de la péremption.
Elle rejette ainsi le pourvoi du salarié qui faisait valoir que le salarié en déposant au greffe des conclusions le dernier jour du délai avait accompli des diligences et manifesté sa volonté de continuer l’instance.
De quoi faire méditer les avocats quant à l’engagement de leur responsabilité professionnelle ….
Cass soc 28 février 2012 no 10-26.562