Indemnisation des conséquences de la faute inexcusable : les précisions de la Cour de cassation

La Cour de cassation vient de rendre 6 arrêts importants le 4 avril 2012 sur les préjudices indemnisables en cas de faute inexcusable ainsi que l’’obligation pour la caisse de faire l’avance des préjudices non couverts par le Livre IV.

Ces arrêts viennent compléter la fameuse décision du Conseil Constitutionnel du18 juin 2010 (no 2010-8 QPC) qui sonnait comme une révolution dans l’indemnisation des victimes d’une faute inexcusable.

Le contexte était le suivant :

L’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale (Livre IV) prévoit que la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par « les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ».

Cette liste jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel était limitative.

Or, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été posée concernant la réparation des accidents du travail, le Conseil constitutionnel, dans le considérant 18 de sa décision, a émis une réserve d’interprétation sur le caractère limitatif de la liste des préjudices dont la victime d’un accident du travail peut demander la réparation à l’employeur en cas de faute inexcusable de sa part.

Désormais, selon le Conseil constitutionnel, la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur pourra demander en justice la réparation de l’ensemble des dommages « non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale ».

Les praticiens dans l’incertitude des conséquences qui seraient tirées de la Décision du Conseil Constitutionnel « s’engouffraient dans la brèche » en sollicitant outre l’indemnisation des préjudices listés à l’article L 452-3 du Code de la Sécurité sociale, la réparation :

– des préjudices patrimoniaux autres que ceux engendrés par la perte d’un gain (frais divers d’achat d’un fauteuil, d’adaptation du logement, d’assistance par tierce personne etc..)

– et surtout des préjudices extra patrimoniaux (préjudice sexuel, déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent)

et ce sur la base du Rapport DINTILHAC transposé dans les Référentiels d’indemnisation du Dommage Corporel en vigueur devant les Cours d’Appels.

Toute l’analyse attendue de la Cour de cassation portait par conséquent sur la nuance -de taille- posée par le Conseil constitutionnel qui fait référence aux dommages « non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale » c’est-à-dire le régime d’indemnisation des accidents du travail autrement dit la rente majorée voire les préjudices listés à l’article L 452-3.

Depuis la décision du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a donc tracé les grandes lignes de l’indemnisation.

Donnent désormais lieu à réparation :

–      Les frais d’adaptation du logement ou du véhicule au handicap (Cass 2ème civ 30 juin 2011 n°10-19.475),

–      Le déficit fonctionnel temporaire (Cass 2ème civ 4 avril 2012 n° 11-14.311 et n° 11-14.594) non couvert pat les IJSS et qui inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique;

–      Le préjudice sexuel non compris dans l’indemnisation du préjudice d’agrément visé à l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale (Cass 2ème civ 4 avril 2012 n° 11-14.311 et n° 11-14.594).

En revanche, certains préjudices ne donnent pas lieu à réparation. Tel est le cas :

–      des frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales (Cass 2ème civ 4 avril 2012 n° 11-14.311)

–      du déficit fonctionnel permanent, (Cass 2ème civ 4 avril 2012  n° 11-14.594 ; n° 11-15.393) ;

–      de l’indemnisation des dépenses de santé non remboursées et des frais exposés pour des déplacements nécessités par des soins (Cass 2ème civ 4 avril 2012 n° 11-18.014) ;

–      de la perte de gains, hors promotion professionnelle (Cass 2ème civ 4 avril 2012 n° 11-10.308).

La réparation de ces 3 derniers chefs de préjudice est en effet assurée par la rente majorée.

Enfin, la Cour de cassation juge qu’il incombe à la caisse primaire d’assurance maladie de faire l’avance à la victime de l’ensemble des réparations qui lui sont allouées, y compris s’il s’agit de préjudices non couverts par le Livre IV (Cass 2ème civ 4 avril 2012 n° 11-18.014, n° 11-14.311, n° 11-12.299 et n° 11-14.594).2121