La géolocalisation illicite justifie la prise d’acte de la rupture

L’utilisation illicite de la géolocalisation peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

En l’espèce, un salarié employé en qualité de vendeur itinérant et tenu à un horaire de 35 heures par semaine, est cependant libre de s’organiser, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé.

Selon le contrat de travail, ce compte rendu fait la preuve de son activité.

Durant l’exécution du contrat, l’employeur notifie au salarié la mise en place d’un système de géolocalisation sur son véhicule afin de permettre « l’amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements et pour permettre à la direction d’analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ».

Le salarié prend acte de la rupture de son contrat en reprochant à son employeur d’avoir calculé sa rémunération sur la base du système de géolocalisation du véhicule.

En bref, il reproche à l’employeur un usage détourné de la géolocalisation pour contrôler son temps de travail.

La Cour d’appel requalifie la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse  et l’employeur forme un pourvoi.

L’employeur reproche à l’arrêt de retenir l’illicéïté du système de géolocalisation au motif que le salarié était libre d’organiser son activité alors même que celui-ci devait établir des comptes rendus d’activité.

L’employeur faisait également valoir que la géolocalisation pouvait avoir pour finalité le contrôle du temps de travail dès lors que l’employeur ne disposait pas d’autres  moyens, que le salarié avait été avisé de la mise en place de ce système.

 La Cour de cassation pour rejeter le pourvoi relève tout d’abord, que selon l’article L. 1121-1 du Code du Travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Or, la Cour de cassation, après avoir rappelé comme le soutenait l’employeur que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail est licite lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen souligne qu’un tel système n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

Elle souligne ensuite, qu’un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la CNIL, et portées à la connaissance des salariés.

Or la Cour d’Appel dont l’analyse est reprise avait relevé :

– d’une part, que selon le contrat de travail, le salarié était libre d’organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d’activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention expresse faisait preuve de l’activité du salarié,

– et, d’autre part, que le dispositif avait été utilisé à d’autres fins que celles qui avaient été portées à la connaissance du salarié.

Ainsi cette utilisation de la géolocalisation était illicite  et constituait dès lors un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

En bref : par-delà les obligations déclaratives auprès de la CNIL, l’employeur doit donner une information exhaustive sur l’utilisation faite du système géolocalisation.

On peut également en déduire que la géolocalisation peut encore servir à parfaire le contrôle de la durée du travail pour autant que le salarié ne soit pas libre d’organiser son activité (comme cela peut se trouver dans des situation où une plate-forme fixe clairement le planning des interventions ainsi que leur durée prévisible).

Cass soc 3 novembre 2011 n°10-18036