Le principe de séparation des pouvoirs en cas de harcèlement moral

La validité de l’autorisation de licenciement ne peut être remise en cause par le juge judiciaire en raison du principe de séparation des pouvoirs. L’existence d’un harcèlement moral ne saurait faire échec à ce principe.

Il convient de rappeler le contexte juridique de l’affaire.

Le principe de la séparation des pouvoirs entre les deux ordres (judicaire et administratif) a pour conséquence que le Conseil de prud’hommes (juge judiciaire) ne peut, lorsqu’une autorisation de licenciement a été accordée, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement (Cass. soc., 18 févr. 2004, no 01-46.274 ; Cass. soc., 13 juill. 2004, no 02-43.538, Bull. civ. V, no 210 ; Cass. soc., 14 févr. 2007, no 05-40.213, Bull. civ. V, no 23, 3 mai 2011 n°09-71.950).

Cette faculté revient au juge administratif.

En effet, l’appréciation du juge administratif s’impose au juge judiciaire (Cass. soc., 21 sept. 1993, no 90-46.083 ; Cass. soc., 12 mai 1998, no 96-40.756 ; Cass. soc., 4 juill. 2007, no 06-40.159)

Si l’issue du procès administratif n’est pas connue, le Conseil de Prud’hommes sursoie à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction administrative (Cass.soc. 29 juin 2005, Sté Cristal union c/ Evangelisti).

Enfin, en l’absence de recours contre la décision de l’inspecteur du travail qui autorise le licenciement, cette décision a l’autorité de la « chose décidée » et elle ne peut être là encore être remise en cause par le juge judicaire.

Tel est l’objet de la décision analysée.

Un salarié protégé (délégué du personnel et membre du comité d’hygiène, de sécurité et des Conditions de travail) après un arrêt maladie, passe une seule et unique visite de reprise en raison d’un « danger grave et imminent » à l’occasion de laquelle il est déclaré inapte définitivement à tout poste dans l’entreprise.

Il est licencié pour inaptitude physique et refus de proposition de reclassement après observation de la procédure spécifique liée à son statut de salarié protégé, c’est-à-dire après obtention par l’employeur de l’autorisation de l’inspecteur du travail à l’encontre de laquelle aucun recours ne sera formé que ce soit devant le Ministre du Travail ou le Tribunal Administratif.

La décision est par conséquent définitive.

Le salarié saisit le Conseil de Prud’hommes pour voir constater la nullité de son licenciement du fait du harcèlement moral qu’il  estime être à l’origine de son inaptitude physique sur le fondement des  dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail.

Ce texte prévoit en effet que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions sur le harcèlement moral est nulle.

La Cour d’Appel accueille cette demande.

Elle retient que la demande du salarié en nullité du licenciement, n’implique pas la vérification préalable de la régularité de la procédure de constatation de l’inaptitude, de l’accomplissement par l’employeur de son obligation de reclassement, et de l’existence d’un lien, ou non, entre ses fonctions de représentant du personnel et son licenciement.

En conséquence selon la Cour,la juridiction prud’homale est compétente pour vérifier que la rupture du contrat de travail du salarié et par voie de conséquence, son inaptitude physique, a eu ou non pour cause le harcèlement moral dont il prétend avoir été victime, sans qu’il soit pour autant porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Mais la Cour de cassation censure cette analyse.

La Cour de cassation, comme elle l’avait précédemment jugé, estime en effet que si l’autorisation de licencier accordée par l’autorité administrative ne prive pas le salarié du droit d’obtenir l’indemnisation du préjudice causé par des faits de harcèlement, elle ne lui permet toutefois plus de contester pour ce motif la validité ou la cause de la rupture.

Aussi concrètement, si le harcèlement était reconnu, la nullité du licenciement ne serait pas encourue (avec pour conséquence une éventuelle réintégration) et cela n’ouvrirait pas droit aux indemnités de rupture mais à des dommages et intérêts dont on peut néanmoins présumer que le juge les chiffrerait à un montant semblable à ceux qu’il aurait octroyé en cas de licenciement abusif.

Cass soc 15.11.2011 n°10-18.417