La demande de résiliation judiciaire d’un « cadre dirigeant »dont l’ état de santé est dégradé du fait de sa charge excessive de travail est rejetée.
Bref rappel : l’article L. 3111-2 du Code du Travail du Code du Travail définit les cadres dirigeant.
Il s’agit des cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonomes et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou leur établissement .
En l’espèce, le directeur d’un garage est actionnaire à 25 % du capital social d’une entreprise familiale et directeur opérationnel des trois sociétés de taxis utilisatrices des services du garage.
Etant en arrêt de maladie depuis plus d’un an, il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de « ses » employeurs en raison notamment de la dégradation de son état de santé due à la trop grande charge de travail et en paiement de sommes à titre d’heures supplémentaires.
La Cour d’Appel le déboute de ses demandes.
Le salarié faisait principalement valoir dans le cadre de son pourvoi :
– D’une part, que l’existence d’un contrat de travail de cadre dirigeant, suppose un accord particulier de l’employeur et du salarié, qu’il soit doté d’une totale indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, d’une autonomie de décision et moyennant une rémunération parmi les plus élevée de l’entreprise, pour que le travail de celui-ci s’accomplisse dans le cadre d’une convention de forfait sans référence horaire,
– D’autre part, que cette notion est incompatible avec l’existence d’un contrat de travail à temps partiel, lequel suppose, par définition, que la durée du travail du salarié soit fixée et contrôlable par l’employeur.
Or, en l’espèce le salarié avait fait valoir et démontré par la production de ses bulletins de salaire (sans que des contrats à temps partiel n’aient pour autant été établis quoique légalement obligatoires), que son activité s’était exercée dans le cadre de quatre contrats de travail à temps partiel conclus avec chacune des quatre sociétés défenderesses au pourvoi pour des durées de travail.
Il en concluait que la conclusion et l’exécution de ces contrats de travail à temps partiel, qui supposait que fût contrôlable et contrôlée la durée du travail du salarié, était incompatible avec la qualification de cadre dirigeant et l’exécution des quatre relations de travail dans le cadre d’une convention de forfait sans référence horaire.
La Cour de cassation malgré la pertinence des moyens du pourvoi rejette cette analyse.
Elle rappelle que la qualité de cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 du Code du Travail ne requiert ni l’existence d’un accord particulier entre l’employeur et le salarié, ni que ce dernier se situe au niveau hiérarchique le plus élevé de la classification conventionnelle.
Il s’évince en effet de l’arrêt que le requérant bénéficiait de la position III de la Convention collective nationale des services de l’automobile, lequel correspondrait « au degré d’autonomie et des responsabilités du cadre dirigeant » même s’il existait un coefficient de cadre supérieur au sien dans la convention collective.
La Cour de cassation se réfère ensuite à l’appréciation souveraine des juges du fond qui avaient relevé qu’il était directeur de l’une des sociétés et directeur opérationnel des trois autres, qu’aucun secteur n’échappait à sa compétence et à sa responsabilité, qu’il ne recevait aucune consigne dans l’organisation de son travail ou de son emploi du temps et, qu’hormis celle du gérant, sa rémunération était la plus élevée des quatre sociétés.
Le salarié percevait en effet malgré ses bulletins de salaire « à temps partiel » la coquette rémunération de 5400 euros par mois sur les 4 sociétés.
Poursuivant la Cour de cassation relève que la Cour d’appel n’a pas constaté l’existence de contrats de travail mentionnant un quelconque horaire de travail.
Est-ce à dire que la solution aurait été différente si les contrats à temps partiel avaient été formalisés ?
Concernant la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, le cadre dirigeant faisait valoir qu’il était confronté à une situation professionnelle difficile et très préjudiciable à son état physique et psychique, pièces médicales à l’appui.
Il en appelait également à la sacrosainte « obligation de sécurité de résultat » enfreinte selon lui du fait de sa dépression réactionnelle aux conditions de travail, de son amplitude quotidienne de 15 heures du lundi au samedi, ainsi que des astreintes le dimanche.
Enfin, il était relevé que l’employeur avait manqué à ses obligations légales en s’abstenant de mettre en place les institutions représentatives du personnel concourant à la protection de la santé et de la sécurité des salariés dont il aurait pu solliciter l’intervention.
Cependant, la Cour de cassation relève tout d’abord que la carence fautive de l’employeur qui n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel ne constitue pas un manquement de nature à fonder la résiliation judiciaire d’un contrat de travail à ses torts.
Elle relève ensuite -de manière presque laconique- que les griefs de privation régulière du repos hebdomadaire et d’un nombre excessif d’heures supplémentaires, auxquels le salarié imputait l’aggravation de son état de santé, n’étaient pas établis.
Cass soc 30 novembre 2011 Jonction n° E 09-67.798 et K 10-17.552