L’information de l’employeur sur l’existence du mandat de conseiller prud’homal : un préalable nécessaire à la protection contre la rupture du contrat de travail

Le statut de « salarié protégé » confère une protection notamment lors de la rupture du contrat de travail.

Celle-ci ne peut intervenir – par dérogation aux règles de droit commun- qu’après obtention de l’autorisation de l’inspecteur du travail qui dispose d’un véritable pouvoir d’appréciation du bien-fondé de la rupture.

A telle enseigne que s’il estime que le motif de licenciement ne repose pas sur des faits établis ou sérieux, il peut refuser d’autoriser le licenciement.

Et dans cette hypothèse, l’employeur ne peut passer outre sauf à engager un licenciement qui serait illégal, et par conséquent frappé de nullité.

Les conséquences financières d’un tel licenciement sont particulièrement lourdes (réintégration du salarié protégé, paiement des salaires durant la phase d’éviction de l’entreprise etc…)

A noter que bien que les règles édictées fassent l’objet d’un Chapitre intitulé « protection contre licenciement », la jurisprudence étend la protection à d’autres modes de rupture du contrat de travail à durée indéterminée l’employeur ne devant pas poursuivre « par d’autres moyens la résiliation du contrat de travail ».

Tel est le cas notamment en cas de mise à la retraite, la rupture du contrat de travail du salarié protégé devant également être autorisée par l’inspecteur du travail (Cass 5 mars 1996 Bul n°84).

L’article L 2411-1 du Code du Travail dresse la liste des salariés protégés contre le licenciement.

Il existe 17 cas de mandats faisant relever le salarié qui les détient de la catégorie de « salarié protégé ».

S’il est facile d’identifier certaines catégories de salariés protégés (salariés titulaires d’un mandat tels que les délégués du personnel , membres du comité d’entreprise, du Comité d’Hygiène de sécurité et des conditions de Travail, délégués syndicaux) parce qu’ils ont été élus ou désignés dans l’entreprise, la question est plus délicate pour d’autres mandats dont l’employeur n’a pas nécessairement connaissance, ceux-ci étant exercés en dehors de l’entreprise.

D’où la question qui se pose de l’information donnée par le salarié quant à sa qualité de « salarié protégé » dont découle la protection spécifique contre le licenciement.

Par sa décision du 14 mai 2012 (Décision n°2012-242 QPC), le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions découlant de l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise assurant une protection au salarié ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement .

Cette décision concernait les mandats de membre du Conseil ou d’administrateur d’une caisse de sécurité sociale pour lesquels aucune obligation d’information n’était prévue par les textes.

Elle peut se poser également pour les conseillers prud’homaux (17 ème cas de l’article L 2411-11) et pour lequel l’autorisation de licenciement est rappelée à l’article L. 2411-22 du Code du Travail.

En effet la protection assurée au salarié par les articles précités, découle d’un mandat extérieur à l’entreprise, dont l’employeur n’a pas nécessairement connaissance.

On relèvera cependant que dans de nombreux cas, l’employeur aura tout de même connaissance de la situation dans la mesure où le salarié est conduit à s’absenter durant ses heures de travail.

Dans cette hypothèse, les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise, membres d’un conseil de prud’hommes (qu’ils soient élus dans le collège salarié ou le collège employeur), le temps nécessaire pour se rendre et participer aux activités prud’homales ( article L. 1442-5 et R. 1423-55 du Code du Travail).

Mais en l’espèce, le salarié exerçait les fonctions de directeur des ressources humaines dans la société. Il jouissait donc manifestement d’une autonomie dans le cadre de ses fonctions pouvant expliquer l’ignorance de l’employeur.

Ceci précisé, le « DRH » avait été mis à la retraite par l’employeur ce dont il avait manifestement pris ombrage.

Invoquant la violation du statut protecteur lié aux fonctions de conseiller prud’homal (il appartenait pour l’ironie de l’histoire au collège employeur !), il  avait saisi le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de la mise à la retraite en un licenciement.

La Cour d’Appel avait accueilli la demande du salarié nul  tout en réduisant ses demandes après avoir énoncé que si en l’absence d’actes positifs de sa part, le comportement passif adopté par le salarié en s’abstenant d’invoquer avant sa mise à la retraite la particularité de sa situation ne pouvait être considéré comme frauduleux et par là même de nature à le priver de la protection attachée à son mandat, cette circonstance constituait un manquement à son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur ayant une incidence sur le montant de l’indemnisation due au titre de la violation de son statut protecteur.

La Cour de cassation après avoir rappelé la décision du Conseil constitutionnel (considérant 10), relève qu’il s’en déduit que le salarié, titulaire d’un mandat de conseiller prud’homal, « ne peut se prévaloir  de cette protection que si, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, il a informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance ».

La Cour de cassation censure ainsi l’analyse de  la Cour d’Appel qui avait constaté que l’existence du mandat de conseiller prud’homal n’avait pas été porté à la connaissance de l’employeur, bien que ce dernier ait fait part à l’intéressé de son intention de le mettre à la retraite lors d’un entretien.

Elle en conclut  que le salarié ne pouvait se prévaloir du statut protecteur attaché à ce mandat.

Cass soc 14 septembre 2012 n° 11-21.3075